« Retour | n° 40 – 2026. Le Geste et la Figure – Michel Guérin, l’affectivité de la pensée |
L’hypothèse au point de départ de ce volume est que la « Figure » est devenue un concept central dans le domaine de l’esthétique et de la pensée philosophique de ces dernières décennies. Outre la référence à la pensée de la figura, la notion de Figure emporte avec elle une dimension de spatialisation qu’elle dispute aux notions plus communes d’image et de représentation. Parmi les auteurs qui ont fait de ce concept le foyer rayonnant d’une oeuvre philosophique, il en est un, Michel Guérin, écrivain et philosophe, qui en propose une conception singulière dont ce volume se propose de saisir les contours, d’interroger les fondements et d’explorer les ressources tant sur le plan philosophique que sur le versant esthétique et plus largement anthropologique.
Depuis son premier livre consacré à Nietzsche, Socrate héroïque (1975) jusqu’à son ouvrage à paraître sur les trois critiques kantiennes, Michel Guérin a consacré de nombreux travaux visant à élaborer philosophiquement une figurologie et à forger une pensée de « l’affectivité de la pensée ». Cette voie a conduit l’auteur à développer une Philosophie du geste et à emprunter les ressources de l’anthropologie (des techniques) – en particulier à Leroi-Gourhan – pour poser à nouveaux frais la question des gestes premiers qu’il rassemble dans une gestique transcendantale composée de quatre gestes anthropologiques fondamentaux : faire, écrire, donner, danser.
L’hypothèse avancée par Guérin est que le geste de danser est la matrice de tous les arts et des conduites esthétiques. Il s’est attelé à défendre cette thèse dans différents livres consacrés plus directement à l’art (L’espace plastique, 2008) et à son histoire (Nihilisme et modernité, 2003 ; Le Temps de l’art. Anthropologie de la création des modernes, 2018) tout en conduisant, conjointement, une réflexion de fond sur la façon dont les oeuvres induisent des Figures (de pensée) (Qu’est-ce qu’une oeuvre ?, 1986 ; Pour saluer Rilke, 2008 ; Le signe et la touche, 2024). Parallèlement, l’auteur s’est attaché à dialoguer constamment avec les grandes approches philosophiques du XXe siècle, comme la phénoménologie, dont il met au jour les apories (La Fin des phénomènes, 2024).
Dans le vaste appareillage théorique et conceptuel forgé par Michel Guérin, trois notions ont été ici retenues : la Figure, le geste et l’affectivité.
Le présent volume rassemblant les contributions du colloque « Figures de Michel Guérin » qui s’est tenu en juillet 2024 à Cerisy, entend tout à la fois amplifier et mettre à l’épreuve certaines des propositions de l’oeuvre de Michel Guérin. Dans le prolongement de l’exposition (Créer/Penser) organisée parallèlement au colloque, le dossier fait également la part belle aux artistes contemporains qui se saisissent du geste, de la figure et de l’affectivité.
Sommaire
Jean Arnaud, Pierre Baumann, Amélie de Beauffort, Pascal Krajewski, Pierre Sauvanet : Introduction
Bertrand Prévost : Porter. Pour une cosmétique du geste. Une lecture de La Troisième main
Pierre Sauvanet : Percussions Répercussions
Pascal Krajewski : Reposer, l’autre du geste productif
Miguel Angel Molina : Faire et penser
Pierre Baumann : Prendre, poser, placer. Geste collectif
Amélie de Beauffort : (Laisser) faire le dessin
Œuvres vidéos : Du temps pur : Francis Alÿs, David Claerbout, Douglas Gordon, Joan Jonas, William Kentridge, Anri Sala
Jean Arnaud : La chasse aux Figures (la nuée)
Bruno Goosse : Stratégies hygiométriques, promenade dans le parc du domaine de Cerisy
Lucien Massaert : L’antagonisme et la conciliation
Sylvie Pic : Série Flächen
Pierre-Damien Huyghe : Le terreau de l’époque
Christian Bonnefoi : L’horizon de la peinture
Sabine Forero Mendoza : Lecture(s) de Michel Guérin
Fernando Rosa Dias : Les passions de la modernité
Bertrand Prévost : Ars religatoria, ars marmorea, ars plumaria
Michel Guérin : La Terreur et la Pitié : entretien avec Olivier Koettlitz, Pierre Windecker & Dirk Dehouck
Olivier Koettlitz : L’excès et le reste. Une lecture de La Terreur et la Pitié
Carine Krecké : Cartographier la terreur
Pierre Windecker : De l’affectivité au “point pathique” de la pensée
François Méchain : Genius loci
Sami El Hage : Le geste de la pensée à l’œuvre
Jean Arnaud : L'écorce et la peau, ou les métamorphoses silencieuses
Jean-Claude Pinson : De la danse et de l’écriture poétique
Amélie de Beauffort : Drawing from Nature
Dirk Dehouck : L’œuvre ou le retrait du sujet en ses figures
Renaud Ego : Ce que le poète fait au philosophe
Pierre Baumann : Je dors, je travaille
Marco Baschera : Pour une philosophie de l’(in)finitude